1. Le NABShow
Le NABShow 2012 s’est tenu à Las Vegas du 14 au 19 avril. Le NABShow est organisé par la « National Association of Broadcasters » ou NAB, qui regroupe la grande majorité des chaînes de radio et de télévision américaines, les « stations », chaînes terrestres locales, qui ont une importance majeure dans le paysage audiovisuel américain, même si la majorité des américains regardent la télévision à travers le câble et le satellite. C’est toujours le plus grand salon mondial concernant la production et la diffusion de la télévision. Il a su au cours des années ne pas se limiter aux diffuseurs (broadcaster), mais ouvrir ses portes à toutes les évolutions du monde de l’audiovisuel. Le NABShow a toujours fait l’effort de présenter les nouvelles technologies qui peuvent intéresser ou menacer les chaines de télévision, par des conférences dédiées et par des lieux d’exposition spécialisés. Cette ouverture s’est encore accrue cette année, avec une ouverture à tous les médias numériques et aux professionnels du spectacle. Une attention accrue a été donnée notamment au cinéma, aux applications militaires et gouvernementales, aux activités religieuses et aux fournisseurs de contenus en ligne, tout en gardant centrale l’activité des chaînes de radio et de télévision.
Le NABShow a regroupé une dizaine de cycles de conférences en parallèle, et environ 1600 exposants et 92 000 participants (pratiquement stable par rapport à 2011). Le NABSHOW 2012 a choisi pour slogan « The great content shift ».
Le NABShow permet ainsi à la fois d’avoir une vision de la situation américaine, mais aussi du développement des nouvelles technologies, tant du point de vue technique que du point de vue de leur adoption par le marché.
2. La télévision sur mobile
C’est toujours un sujet majeur des acteurs du NAB, présenté comme un « futur succès ». Bien que les annonces de développement de la télévision sur mobile pour 2011 ne se soient pas matérialisées, des plans de développement sont présents, et la mise en œuvre d’émetteurs se poursuit. Sous l’égide de la Open Mobile Coalition Alliance (OMVC), deux organisations sont (toujours) actives : la Mobile Video Content Venture (MVC) et la Mobile 500 Alliance.
La MVC est soutenue par 18 grands réseaux de télévision, dont ABC, CBS, Fox et NBC. L’organisation a fait le choix du service Dyle Mobile TV. Dyle annonce qu’en 2012 son offre sera diffusée sur plus de 70 stations et couvrira plus de 50% de la population américaine. Un ensemble de prototypes étaient présentés, avec un accent mis sur les dongles qu’on peut associer à un ordinateur ou une tablette.
La Mobile 500 Alliance regroupe de nombreuses stations locales (437), et propose un système développé par un ensemble de sociétés, dont la société française Expway.
Quand on leur pose la question de leur concurrence, on reçoit des réponses floues, évoquant des discussions en cours, la possibilité de combiner coopération et compétition,…
Les annonces faites ressemblent beaucoup à celles de 2011. Le modèle économique reste un problème majeur, même si des outils permettant des services payants ont été développé.
La session dédiée à la télévision mobile a permis de rappeler les échecs successifs de la télévision sur mobile. Une première présentation a été celle de Qualcomm, refaisant l’historique des 10 dernières années.
La société Qualcomm en 2003 avait acquis des fréquences lors d’une vente aux enchères. En 2007, elle avait lancé FloTV, avec un modèle économique basé sur l’abonnement, et l’avait fourni à AT&T et Verizon. L’objectif annoncé était que Qualcomm assure les risques du lancement, puis se retire pour ne rester qu’un fournisseur de technologie. De nombreux facteurs ont amené à l’échec et à l’arrêt de FloTV fin 2009, lié notamment aux difficultés pour obtenir des contenus (et au coût de ceux-ci), mais aussi au fait que les usages ont montré une réception importante à l’intérieur des bâtiments, ce qui, pour être rendu possible, nécessitait une évolution coûteuse du réseau. En parallèle, sont apparus les tablettes et les applications. La société Qualcomm a développé en 2008 le circuit Snapdragon, un processeur universel pour mobiles, et s’est concentré sur son métier traditionnel. Fin 2011, l’intérêt présenté par la combinaison du multicast et du broadcast, a amené la société à préparer un nouveau circuit dédié, qui permettra notamment de réallouer temporairement une partie des fréquences utilisées pour le 4G (LTE) pour une utilisation broadcast, appelée LTE broadcast, ce qui permet de répondre à une demande forte liée à un événement particulier, et fait partie des spécifications du 3GPP.
Le débat qui a suivi a évoqué beaucoup les estimations de trafic fournies par la société Cisco (Cisco Visual Networking Index), avec notamment un trafic de données mobiles de 6,3 exabytes par mois en 2015, et de 10,8 en 2020. (Un exa=1000 peta = 1018 ). Une solution a été présentée par le représentant du DVB, avec une offre broadcast couvrant les vidéos les plus diffusées, une offre LTE multicast pour celles moins largement diffusées, et enfin une offre LTE pour les vidéos « individuelles ». Face à l’échec reconnu du DVB/H, il serait alors possible d’utiliser la norme DVB-T2, dans une version appelée lite pour offrir la fonction broadcast vers les mobiles, la transmission à l’intérieur des bâtiments étant assurée par le WiFi. Cependant, vu la prudence des pays européens, les premiers développements pourraient se faire en Asie et notamment au Vietnam.
Le débat a mis en avant plusieurs aspects des difficultés rencontrées. En Europe, le terminal est subventionné par l’opérateur qui ne souhaite pas prendre en compte le coût de l’ajout de la fonctionnalité, ni d’ailleurs investir dans une évolution du réseau d’émetteurs existants (ce qui ne devrait pas être le cas pour le DVB-T2).
3. Le consommateur connecté
Cette session a regroupé des acteurs du développement techniques et des analyses de consultant sur le sujet.
Face à l’incertitude forte sur les évolutions, le débat a permis d’ évoquer les questions clé.
La cabinet Insight a montré la montée des usages connectés, lié à leur utilisation dans tous les domaines : localisation (GPS), loisirs, relations, informations, achats, avec souvent un fort aspect communautaire.
Il a aussi souligné un côté négatif, qui est la montée d’un comportement « multi-tâche » pour lequel l’homme n’est pas équipé et qui entraîne des disfonctionnements tant sur le plan personnel que professionnel.
L’avenir de la télévision linéaire n’a pas été remis en cause à court et moyen terme. La fourniture de contenu vers les nouveaux terminaux est difficile, en raison de leurs diversités tant technologiques qu’économiques. Gérer ses IP vers différents terminaux, dont l’iPad, et s’y adapter techniquement sont des activités difficiles et coûteuses. HBO a pu le financer, mais c’est une exception. De plus le coût qu’un consommateur accepte de payer est toujours limité, comme le montre la vente de téléviseurs haute définition, qui a stagné avant de démarrer quand les prix ont suffisamment baissé.
Même si la demande des clients va vers la disponibilité des contenus sur tous ses terminaux, le propriétaire des contenus veut voir ses revenus augmenter et non pas diminuer, ce qui est légitime.
Le passage d’une télévision linéaire à une télévision « interrompue » pose des problèmes. Une telle évolution peut diminuer la valeur du programme aux yeux du spectateur ou de publiciste qui le finance. L’expérience des jeux vidéos montre la nécessité de la concentration pour l’intérêt du jeu, l’effort qui y est fait pour combiner interactivité et plaisir montre bien que les deux sont nécessaires.
Il n’est pas évident de passer à une télévision interactive pour les personnes qui n’ont pas pris l’habitude de chercher sur Internet. Majoritairement, ceux qui allument la télévision ne savent pas ce qu’ils veulent voir. Il est fréquent qu’en plus de la télévision un autre écran soit activé, mais il s’agit le plus souvent de mail ou d’autres activités non liées au programme.
Situation américaine
« Les affaires n’ont jamais été aussi bonnes » a déclaré le président de Warner Bros Television Group, avec des revenus à l’international en forte hausse, un marché domestique (broadcast, câble et syndication) à un point haut et de nouveaux acheteurs comme Hulu et Netflix. Ce sont les chaînes locales qui ont le plus souffert en relation avec la crise économique.
Le président de la FCC Julius Genachowski a présenté à nouveau son plan de vente aux enchères de fréquences par les broadcasters, cette vente devant être volontaire.
4. FOBTV et le futur de la télévision
Une réflexion commune a été initiée par la « FOBTV Initiative » (Future of Broadcast Television), suite à un accord signé à Shanghai en novembre 2011. Cette initiative regroupe au niveau mondial les chaines de télévision, les acteurs technologiques et les organismes développant des standards de diffusion. Elle vise à définir le futur de la télévision diffusée face notamment aux développements Internet. Elle comprend notamment le DVB, l’ATSC américain, l’EBU (European Broadcasting Unit), mais aussi des acteurs chinois, japonais, coréen et brésilien.
Les sujets abordés comprennent la définition de modèles d’écosystème pour la télévision terrestre, prenant en compte l’environnement commercial, réglementaire et technique pour définir les besoins de la future génération à travers des collaborations des principaux laboratoires. L’action passe par la recommandation des technologies futures et la demande de standardisation de technologies spécifiques. Cette réflexion n’est par principe pas contrainte par les standards multiples existants aujourd’hui.
5. Compression
Un nouveau standard de compression, qui sera la nouvelle étape du codage video MPEG. Il s’agit du High Efficiency Video Coding, ou H.265. Un draft préliminaire a été terminé en février 2012. Son adoption doit être acquise en 2013, mais aussi de permettre de transmettre les vidéos au format 4K (c’est à dire en multipliant par 4 le nombre de pixels de la haute définition (une étape intermédiaire en 2K est envisagée, qui faciliterait éventuellement la diffusion d’images 3D de qualité supérieure). La mise en œuvre d’une telle évolution est envisagée vers les années 2015 et suivantes.
Cependant le succès d’un tel développement, qui vise en particulier le renouvellement du parc des téléviseurs n’est pas acquise, compte tenu du coût des terminaux (des prix de l’ordre de 25 000 USD sont envisagés au lancement), et au gain réel pour le téléspectateur. La différence avec la HD risque de n’être sensible que pour des téléviseurs de grande taille (60 pouces et au delà).
L’objectif est d’atteindre une amélioration substantielle de la compression H.264 (un facteur deux est estimé possible), ce qui permettra d’une part de diminuer le débit nécessaire pour transmettre la haute définition, mais aussi ouvrira la porte à une diffusion d’images 4K.
Cisco, après avoir acheté Tandberg en 2009 pour 3,4 B$, a acheté NDS pour environ 5B$. Cela manifeste la volonté de Cisco d’offrir des services télévisuels, et notamment via des technologies « cloud ». La société pourra ainsi avoir une offre mixte face à la convergence télévision informatique télécom en ce qui concerne la vidéo.
Notons que pour la première fois NDS n’était pas présent au NAB et qu’au stand Cisco aucune explication n’a été donnée.
6. Streaming
Netflix a présenté ses projets de développement de contenus propres. La société a commencé à diffuser des films en streaming il ya 10 ans, ainsi que des séries télévisées. Elle a décidé récemment de devenir un producteur de séries. Ted Sarandos, responsable des contenus, a précisé qu’il ne s’agissait pas de viser des contenus prime time, visant une large audience, ni de créer une marque. La société tient à être perçue comme un outil de personnalisation de la visualisation, non comme une chaîne. Netflix souhaite continuer à passer des accords avec des propriétaires de contenus, et en particulier des films (The Artist), des programmes existants (Glee) ou annulés comme « The Tudors ». La société vise tout particulièrement les séries qui sont de plus en plus concurrencées sur la télévision par d’autres formats, et qui selon Ted Sarandos « pourraient n’avoir plus leur place à la télévision », alors que la diffusion par Netflix permet au spectateur de choisir son rythme et heure de visualisation.
On peut noter aussi que Google a investi 100 millions de dollars pour développer des contenus sur Youtube. Cependant on reste très loin des investissements des majors américaines.
Cependant la concurrence sur le marché du streaming s’accroit avec Hulu, Amazon, Comcast, DirecTV, Verizon, Redbox et Apple, qui pourraient être rejoints par Intel, selon un article du WallStreet Journal, qui annonce qu’Intel fournirait la STB et le service. L’enjeu majeur pour les acteurs est d’obtenir les contenus de leurs propriétaires.
Intel would join Netflix, Hulu, Amazon, Dish Network, Comcast, DIRECTV, Verizon, Redbox and Apple as companies that either now sell a subscription video streaming service or expect to in the coming months.
7. Multiscreen et MPEG-Dash
L’usage du second écran, et son impact sur les acteurs a été un sujet abondant de discussion. Pour les acteurs, il est considéré comme un outil extraordinaire pour connaître ses auditeurs, leurs demandes et d’interagir avec eux. C’est aussi un outil pour rentabiliser les contenus (« monetize » est un des mots les plus entendus au NAB), et pour éviter que d’autres les redistribuent de façon non autorisée. Il doit permettre de mettre en œuvre les réseaux sociaux, de les utiliser éventuellement en « focus group » en direct pour réagir plus vite. De nombreuses solutions ont été présentées. Des applications mobiles peuvent se synchroniser avec une émission à partir de repérage sonore (audio watermarking). L’interaction peut se faire via un portail spécifique, ou via Twitter (afficher le Feed Twitter de l’émission), ou un smartphone. Des outils d’affichage de réseaux sociaux en incrustation sur le téléviseur sont proposés.
Pour l’instant on en est à une phase d’exploration des possibilités et des usages. En parallèle, la présence des chaînes sur Facebook est devenu un élément important de leur communication (ceci n’est pas original et dans le domaine politique, on retrouve le même phénomène).
Les terminaux multiples étaient la règle sur les stands : téléviseur, PC, tablette et smartphone. Le streaming adaptatif permet d’avoir plusieurs encodages du même flux et d’utiliser celui qui est adapté à la qualité de transmission. Un nouveau standard ISO MPEG-DASH (dynamic adaptive streaming over HTTP) a le potentiel de remplacer les technologies propriétaires comme celles de Microsoft (Microsoft Smooth Streaming, HSS), de Adobe (Adobe Dynamic Streaming, HDS) ou de Apple (http live streaming, HLS). Ce nouveau standard a été ratifié par un vote unanime et va être rapidement publié en tant que standard international. Ce standard permet d’utiliser un DRM différent, et un contrôle d’accès diifférent pour chaque encodage. Il est agnostique sur le choix du Codec. De nombreux stands du NAB affichaient sa disponibilité (CDN, producteurs d’encodeurs, développeurs logiciels). Notons que ce standard a été bâti sur des travaux publiés par le 3GPP. Il subsiste cependant une incertitude sur l’existence de royalties, qui peut freiner son développement (Mozilla a décidé de ne pas l’utiliser pour cette raison). Les contributeurs du standard incluent tous les acteurs clés comme Apple, Adobe, Microsoft, Netflix et Qualcomm.
Le développement de technique adaptative a été un élément majeur pour permettre le développement de la distribution de la vidéo sur Internet OTT (Over The Top) vers des terminaux utilisant des débits différents. L’adoption rapide de ce standard marque en tout état de cause l’accélération de la distribution de la vidéo sur Internet.
8. Le 3D
Le 3D n’est plus mis en avant, mais se développe, avec de nouveaux équipements moins chers que les premiers. Cela fait trois ans que le film Avatar a lancé la passion du 3D. L’offre de produits 3D est complète et permet de produire en 3D. Un avis partagé est qu’il faut faire la 3D « bien », mais la mise en œuvre reste problématique. Des acteurs majeurs (Sony, Pace Cameron Group,…) soulignent que des produits de mauvaise qualité pourraient contrarier le succès futur qu’ils attendent.
Pour la télévision, les contenus 3D restent limités et constituent une niche. Parmi les problèmes, il y a l’absence de standard de distribution, le port des lunettes (il est acquis que la 3D ne sera un succès majeur que si sa vision ne nécessite pas l’usage de lunettes).
La mise en œuvre du 3D est toujours soutenue par James Cameron et Vince Pace, qui ont crée le Cameron Pace Group (CPG) pour offrir des services pour le tournage 3D. Ils ont annoncé avoir contribué à des tournages pour ESPN et CBS Sports, et annonce avoir contribué à plus de 200 événements sportifs, ainsi que des films. Le groupe soutient qu’il ne faut pas traiter la 3D à part, mais tourner simultanément en 2D et 3D, et parle désormais de produits 5D (2+3).
Au delà, des prototypes de systèmes sans lunettes sont présents, le plus impressionnant étant celui du Japonais NICT (National Institute of Information and Communication Technology), qui présentait un écran 3D de 200 pouces, avec un espace de vision correcte en 3D pouvant contenir 30 personnes. Il s’agit d’un « vrai 3D », en ce sens que en se déplaçant des parties cachées deviennent visibles et inversement. La NICT a aussi démontré un système virtuel où l’on peut toucher, voir, sentir, écouter (par exemple les bruits de frottement quand vous touchez l’objet avec un outil) un objet qui n’existe pas.
Les outils de traduction de 2D en 3D commencent à être efficaces. JVC a développé un outil qui a été mis en œuvre par Twentieth Century Fox pour traduire en 3D des films de son catalogue.