Le co-summit
Le « co-summit ITEA3 ARTEMIS »1 s’est tenu cette année le 11 et 12 mars à Berlin, après une année d’interruption (le dernier avait pris place à Stockholm en 2013). Il avait comme thème « Smart industry : impact of software innovation ». Comme tous les ans, la conférence est l’occasion :
- de faire le point sur l’ensemble des projets de recherche en cours de développement ou terminés, avec environ 80 projets présentés
- de suivre l’évolution du cluster ITEA et du Joint Undertaking (JU) Artemis, avec comme changement majeur la mise en oeuvre d’ECSEL (Electronic Components and Systems for European Leadership), qui regroupe désormais trois JU du domaine des technologies de l’information : Artemis, AENEAS et EPoSS.
Le co-summit est organisé conjointement par ITEA3 et ARTEMIS IA (Industry Association). ITEA3 (Information Technology for European Advancement), est le cluster Eureka dédié aux « software intensive systems » et ARTEMIS JU (Joint Undertaking) un partenariat public privé entre la Commission Européenne, les Etats Membres (22 états) et l’association industrielle ARTEMIS-IA, dédié aux « Embedded computing systems ». Dans la pratique, les deux organisations adressent le même domaine, avec des méthodes différentes, et ont su développer des échanges permanents, malgré des modes de fonctionnement très différents dans la sélection des projets, leur financement et leur suivi. Désormais Artemis JU fait partie de ECSEL JU.
ITEA3
ITEA existe depuis 16 ans et a été rejoint par de nombreux pays, dont récemment le Canada, le Mexique, l’Afrique du Sud, le Brésil et le Pérou. ITEA3 a été labellisé par Eureka en 2013 ( ! 7632), avec un premier appel à projet ouvert en septembre 2014.
ECSEL JU
Structure
ECSEL JU2 est un partenariat public privé entre la Commission Européenne, les Etats Membres et pays associés au programme H2020 et trois membres privés, les organisations d’industriels ARTEMIS-IA, AENEAS et EPoSS, qui disposeront de 33,3 % des droits de vote dans le Governing Board (GB) de la JU (contre 50% pour Artemis-IA dans Artemis JU).
ECSEL inclut un nouvel organisme le PMB (Private member Board) qui inclut des représentants de ARTEMIS-IA, AENEAS et EPoSS, et est en charge de fournir chaque année une mise à jour d’un agenda multiannuel d’innovation et de recherche stratégique (MASRIA MultiAnnual Strategic Research and Innovation Agenda), ainsi qu’un programme annuel d’activité (RIAP Research and Innovation Activities Plan), qui constituera une base pour les appels à projet.
Le MASRIA 20143 a été publié et comprend une partie commune, ainsi que trois
annexes dédiées à chacune des organisations fondatrices.
Objectifs
Il est très large et inclut notamment:
- Assurer le développement au sein de l’Union Européenne d’une industrie des systèmes électroniques forte et compétitive
- Assurer la disponibilité des systèmes pour les marchés clés et pour prendre en compte les besoins sociétaux, créer des emplois et de la croissance
ECSEL est considéré comme un pilier de la stratégie européenne pour la croissance, la compétitivité et l’emploi dans de très nombreux secteurs : maintenir les points forts, saisir les opportunités, gagner des parts de marché.
Selon des participants, le numérique « n’a jamais été aussi haut sur l’agenda politique de la Commission ».
Des liaisons sont prévues avec ESIF (European Structural Investment Fund) qui devrait permettre 320 milliards d’investissements entre 2014 et 2020. Le plan Juncker devrait travailler en coopération avec l’ESIF, mais sans recouvrement.
Rappelons que le plan Juncker concerne le nouveau programme EFSI (European Fund for Strategic Investment), qui viserait à obtenir 315 milliards d’euros d’investissement sur 3 ans, mais tarde à se mettre en oeuvre.
Financement
La Commission Européenne a annoncé le 10 juillet 2013, le co-investissement de 22 milliards d’euros par l’Union Européenne, les Etats membres et les entreprises au cours des 7 années à venir, dont la majeure partie des fonds iront à 5 partenariats public-privé, dont en particulier ECSEL. Il est prévu globalement que 8 milliards d’euros proviennent du programme de R&D Horizon 2020, 10 milliards des entreprises et 4 milliards des Etats membres de l’UE.
En ce qui concerne ECSEL, les prévisions pour 2014-2020 sont de 1,215 milliard d’euros par l’Union Européenne, de 1,2 milliard d’euros par les Etats membres et de 4,815 milliards d’euros par les entreprises pour un total qui dépasserait largement 5 milliards d’euros.
Les domaines visés
ECSEL couvre selon le vocabulaire choisi par la Commission « nano-electronics, embedded/cyberphysical systems and smart systems ». Il couvre le domaine des ECS (Electronic Component Systems). Le PIB associé aux ECS est évalué à 10% du PIB total en Europe. L’accent est mis sur : big data, cloud, cyberphysical systems, robotics et hyperconnectivité.
ECSEL distingue 5 domaines d’application : smart mobility, smart society, smart energy, smart health, smart production, 4 types d’actions technologiques : semiconprocess-equipment-materials, design technology, cyberphysical systems, smart systems integration, et 6 secteurs économiques : communications, computer, consumer, automotive, gov/military, industry/medical/others.
La distinction RIA IA est effectuée à partir du TRL (Technology Readiness Level), tel qu’il est défini par la Commission qui va de 1 à 9 (1= basic principles observed, 9= actual system proven in operational environment). Les actions RIA ont un centre de gravité TRL 2-4 et les actions IA un centre de gravité TRL 5-8. On trouvera en annexe 1 la définition de la Commission (la définition des TRL varie selon les organismes).
Les premiers pas d’ECSEL
Andreas Wild, directeur exécutif de la JU ECSEL a notamment présenté :
- les 12 projets déjà sélectionnés pour 2014 (sur 48 projets présentés), partagés entre RIA (Research and Innovation Actions) et IA (Innovation Actions), avec un financement national de 143,7 M€ et européen de 155 M€.
- les plans pour 2015, avec des montants de financement du même ordre, mais des désaccords à régler sur le choix des projets.
Notons que le financement se partage environ à 50% pour l’industrie des semiconducteurs,
les CPS et les SSI (Smart System Integration4) représentant environ 13% chacun, la conception 7%, le reste se partageant entre les différentes technologies intelligentes (« smart ») : mobilité, société, énergie, santé, société, production.
Les présentations
Elles sont disponibles sur les sites d’ITEA3 et d’Artemis. Parmi les points les plus mis
en avant, on a pu noter :
- L’accent mis sur les plates-formes logicielles (« Smart » se traduit par « logiciel » pour beaucoup de participants)
- Une quatrième révolution industrielle annoncée : la fusion du monde réel et du monde virtuel, avec une référence : la publication du cabinet Roland Berger : « Industry 4.0 revolution, how Europe will succeed »5
- La demande continue de « doubler l’investissement en R&D&I », qui paraît correspondre à une hausse importante des financements (encore à valider).
- La position excellente de l’Europe dans un nombre important de domaines soit existants (automobile), soit émergents (Internet des objets).
- Le manque d’un cloud Européen sécurisé.
Parmi les mots clés, on peut notre la présentation d’un représentant de la DG Connect qui présentait 4 lignes stratégiques :
- Smart anything everywhere
- Leadership in digital platforms for industry
- Skills gap
- Best framework
Des ateliers de travail avaient été mis en place en parallèle concernant l’Internet des objets, les plates formes pour systèmes « mixed criticality», l’Internet industriel et les systèmes cyber physiques. Ce dernier est évoqué plus en détail ci-dessous.
Les systèmes cyber - physiques ou CPS (Cyber-Physical Systems)
Ils ont été largement mis en avant par les participants. Quelques citations :
“CPS are the backbone of Industry 4.0” stated Dr Ing Herbert Zeisel representing the
German Ministry of Education and Research in his welcome speech at the Co Summit.
“CPS are key for process automation” stated Khalil Rouhana representing the EC.
“CPS are key to the future requirements of all sectors” stated Dr Heinrich Daembkes,
president of ARTEMIS-IA, in the theme speech.
Alors de quoi s’agit il exactement ?
Des tentatives – parfois contradictoires (par exemple cyber versus virtual) - de définition ont été présentées. La définition la plus simple est celle de système informatique connecté et interagissant avec des objets physiques, ce qui n’est guère nouveau. Le mot aurait été lancé aux USA à l’occasion d’un premier workshop organisé en 2005. Le NIST (National Institute of Standards and Technology) vient de créer un groupe de travail public sur le sujet (Cyber-Physical Systems Public Working Group ou CPS PWG), qui évoque trois grandes tendances :
- Le déploiement de CPS de très grande taille dans des applications sectorielles nombreuses (smart grid, production, santé, bâtiments intelligents,…).
- La croissance explosive de l’Internet des objets à l’interopérabilité non prise en compte.
- Le besoin croissant de systèmes de systèmes intégrant des CPS à travers des domaines multiples.
Les intervenants ont mis en avant des points spécifiques :
- Quel CPS pour obtenir une connectivité sure des 50 milliards d’objets connectés en 2020. Une estimation donnerait 35% d’objets de type grand public, mais aussi 30% liés aux bâtiments. L’exemple de l’automobile connectée est utilisée pour montrer que le CPS est une technologie clé pour mettre en oeuvre toutes les interconnexions dans et autour de la voiture (« la voiture aura besoin de sentir, de penser et d’agir mieux que ne le fait un humain »), mais aussi présente la nécessité de prendre en compte les tentatives de piratage informatique.
- La ville intelligente, ce marché annoncé comme en très forte croissance. Il est d’abord nécessaire de résoudre des problèmes techniques majeurs. Mais au delà des CPS nécessaires, de très nombreuses questions non techniques sont présentes : quelle acceptation sociale, quel coût pour quel bénéfice, qui l’opérera,…
- La santé. Un représentant de Philips suggère de prévoir une chaîne de liens prenant en compte la personne en bonne santé, la prévention, le suivi à domicile, à l’hôpital et en institution. Philips présentait sa « Healthsuite Digital Platform », qui a donné lieu à un vigoureux débat.
Ce document est en libre reproduction à condition de mentionner l’auteur et le site
(où il se trouve à la rubrique Newsletter).
Annexe 1 définition TRL par la Commission6
Technology readiness levels (TRL)
- TRL 1 - basic principles observed
- TRL 2 - technology concept formulated
- TRL 3 - experimental proof of concept
- TRL 4 - technology validated in lab
- TRL 5 - technology validated in relevant environment (industrially relevant environment in the case of key enabling technologies)
- TRL 6 - technology demonstrated in relevant environment (industrially relevant environment in the case of key enabling technologies)
- TRL 7 - system prototype demonstration in operational environment
- TRL 8 - system complete and qualified
- TRL 9 - actual system proven in operational environment (competitive manufacturing in the case of key enabling technologies; or in space)